friendly fire,, kell

L'odeur du sang te remontait dans le nez et commençait à te donner la nausée. Grinçant des dents alors que tu gravis la dernière marche jusqu'à l'étage de ton appartement, tu tentes le mieux que tu peux d'ignorer Kell qui traîne derrière toi. Sans doute que tu devrais passer par la Tour pour aller te faire guérir, mais tu n'avais pas la patience. Tout ce que tu voulais, c'était t'enfermer chez toi dans le silence le plus complet et sombrer dans une bouteille. Tu ne savais pas trop ce qui t'énervait le plus dans cette histoire - que la mission se soit mal passée, ou alors que Kell semblait être complètement ailleurs qu'avec toi. Ça te donnait envie de claquer la porte sur votre lien en même temps, histoire de lui faire comprendre de la manière la plus évidente que tu étais en colère. Mais tu n'avais pas de doute qu'il le savait, qu'il le sentait - s'il y avait bien quelqu'un à qui tu ne pouvais pas te cacher, c'était Kell.

Tu déverrouilles ta porte, Kell derrière toi. Il te suit, et tu n'as pas envie de lui dire de foutre le camp. Trop crevée pour ça - et en même temps, ton sang bouillait assez pour que tu saches qu'à la première étincelle, tu allais éclater. Tu essaie tant bien que mal de respirer, mais l'adrénaline ne veut pas descendre, ne veux pas s'éclipser. Tu entres chez toi, laissant Kell fermer derrière toi, sentant sa fatigue et son amertume. Vous empirez le cas de l'autre, comme c'était souvent le cas. Franchement, qu'est-ce qui t'avait pris de prendre un gardien ? Et malgré ça, tu n'arrivais jamais à vraiment le regretter.

Tu ne lui dis rien, préférant te tourner vers ton armoire pour sortir une bouteille et un verre. S'il veut se servir, il n'aura qu'à le faire lui-même. Tu n'allais quand même pas le faire pour lui. Prenant une longue inspiration, une main sur tes côtes - tu avais l'impression qu'une était brisée, ou fêlée, mais tu n'avais pas envie d'y penser maintenant - tu prends une grande gorgée. L'alcool brûle agréablement ta gorge, calmant la douleur. Tu irais à la Tour demain. Il était déjà trop tard, bien trop tard - en débarquant au milieu de la nuit comme ça, tu ne ferais que réveiller quelqu'un pour rien. Autant attendre le petit matin. C'est là que tu réalises que Kell est toujours là, dans ton appartement. Pourtant, y'a qu'une porte à franchir pour qu'il aille s'enfermer chez lui - ce qu'il semble avoir envie de faire. Tu claques ta langue contre tes dents, lui donnant un regard noir. "You need something?" Ta voix n'a aucune douceur. Il t'a énervé - tu n'as pas envie de lui parler. Tu ne veux plus rien savoir. Tu veux être seule. Alors qu'est-ce que tu fous encore là, Kell ?

Ta démarche est pénible, et la douleur dans ta poitrine commence à se faire insupportable. Tu sais que les blessures ne sont pas profondes, que tu écoperais de pire dans vos combats à venir, mais pour l'heure c'est suffisant. Ça t'enfonce tête la première dans une humeur massacrante, et tu suis Misa comme une ombre sans parvenir à te sortir de ta léthargie. T'as envie de rentrer chez toi, de te foutre sous tes draps, et de dormir jusqu'à ce que ça passe. C'était pas ta journée.
Tu sentais pourtant qu'avant ça, il te faudrait payer le prix de ce qui vous était arrivé. Sauf que cette fois, tu ne te laisserais pas démonter.

Vous rentrez dans l'appartement de Misa, votre lien t'empoisonne l'esprit, message clair : elle ne veut pas de toi ici. Tu restes quoi qu'il en soit. Refermes la porte derrière vous, la verrouilles. Ce serait facile de passer directement chez toi, de ne pas lui demander de comptes, de laisser les choses en l'état. D'attendre que vous soyez calmés, l'un et l'autre, avant de régler ce qui venait d'arriver. Mais t'as pas envie. Tu sais que ça te bouffera si tu t'en vas avant de lui avoir parlé — et ce, même si les mots se muent en cris. C'est comme ça que vous communiquiez.

Elle se sert un verre, en prend une longue gorgée. Et toi, tu restes planté là à la regarder.
Elle craque en premier.
« You need something ? » Tu entends dans sa voix qu'elle ne veut pas de la conversation. Tu sens, dans les tiraillements de ta poitrine, qu'elle ne veut pas te voir. Elle veut juste que tu dégages. Le rejet te bouffe, t'as envie de l'assouvir en échange d'un peu de paix. Tu ne comprends pas pourquoi votre lien s'efforce d'autant vous blesser — alors qu'il serait supposé vous rassembler. C'était pas ça le deal ? D'ordinaire, vous n'étiez pas aussi éparpillés. Pas aussi décousus. D'ordinaire, votre lien fonctionnait. Mais ce soir, rien n'avait été.

T'aurais voulu qu'elle soigne tes plaies, ne serait-ce que grossièrement. Les griffures dans ton dos te fond un mal de chien, et la balafre de ton abdomen continue de saigner. Ton nez peut bien souffrir encore un peu — mais t'avais pas envie de tacher tes draps alors que Misa aurait pu te l'éviter d'un simple mouvement des doigts.
T'excuser serait la meilleure ligne de conduite. Tu avais merdé, c'était un fait, et elle avait tous les droits du monde de te le reprocher. Mais t'as tes propres rancoeurs à gérer — et tu refusais de porter tout le blâme. La fierté l'emporte sur le sang qui barbouille tes vêtements. « When are you gonna start trusting me ? Huh ? » Elle n'avait pas eu besoin d'un gros écart de ta part pour se renfermer complètement. Et tu sentais, avec peine, qu'elle ne voulait présentement plus de toi. Qu'elle retombait dans ses vieilles habitudes en un battement de cil. Mieux sans Warder.
Mieux sans toi.
« If you didn't want a Warder, you didn't have to take one. I don't need your pity. » T'as envie d'un verre, toi aussi. Ou même deux. Mais tu restes planté dans son salon, sachant que si tu osais fouiller dans ses placards à cet instant tu ne ferais qu'empirer ton cas. T'avais été distrait. T'avais laissé passer des attaques qui auraient pu te coûter la vie.
Et une qui aurait pu coûter cher à Misa.
T'avais merdé.
Elle avait le droit d'être en colère.
Mais ça n'excusait pas la manière dont elle s'était comportée.
Elle n'avait pas le droit de te rejeter.
T'avais besoin d'elle, autant qu'elle de toi.

Du moins, tu l'espérais.
But maybe you're the only one who needs this.

Maybe she'd be better off without you.
She sure seems to think so.

Tu te sentais à deux doigts d'éclater, comme un élastique qu'on tendait avec trop d'insistance. Quelques mots te suffiraient à claquer, tu le savais, tu sentais bien la tempête arriver. Rien ne parviendrait à te calmer, tu te connaissais suffisamment pour ça. L'alcool faisait du bien, certes, mais tu avais surtout besoin d'espace, pour respirer, pour penser. Tu avais mal, la douleur te rendant encore plus irritable, pas envie de parler, pas envie de t'engueuler. Tu savais, cependant, que Kell ne lâcherait pas le morceau aussi facilement - et une partie de toi ressentait sa douleur, savait que c'était ta responsabilité de le soigner. Ta fierté te retenait, cependant. Si tu devais avoir mal, lui aussi.
Yes, you could be that petty.

Tu le dévisages finalement, ton regard noir et ta langue cruelle. Il avait peut-être merdé, mais tu ne lui donnais pas beaucoup de marge d'erreur, alors que tu savais parfaitement à quel point votre boulot était compliqué et dangereux. Kell n'avait pas une dizaine d'années d'expérience derrière lui, pas comme toi, et il n'avait que son esprit et son corps, alors que tu avais la magie. What about cutting him some slack, Misa? Tss. T'as pas envie. Sa réponse vient, inévitablement. T'aurais préféré qu'il parte sans un autre mot - et puis quoi ? "When are you gonna start trusting me? Huh?" Ta langue claque contre ton palais. T'es énervée. C'était pas une question de confiance, t'as envie de lui balancer. Mais tu savais que ça faisait partie du problème. Tu avais combattu seule pendant trop longtemps - même après deux ans, les habitudes et les réflexes étaient durs à perdre. "If you didn't want a Warder, you didn't have to take one. I don't need your pity." T'as bien envie de balancer ton verre au bout de tes bras. À la place, tu le claques contre le comptoir de la cuisine, presque assez fort pour le faire éclater en morceaux. Le bruit résonne dans la pièce, alors que tu relèves les yeux vers Kell. Ton regard est noir. "Fuck you. How many times do I need to tell you asking you had nothing to do with pity? I'm sick of wasting my time reassuring you. Do I need to fucking spell it out again? Grow up, Kell." T'en pouvais plus qu'il doute de sa position à tes côtés. Combien de fois lui avais-tu expliqué ? Qu'est-ce que tu avais de plus à lui montrer, comment pouvais-tu lui prouver ? Ta patience s'effilait.

"What the fuck happened back there, huh? I expect you to have my back, Kell. I need you to be there! This is the whole point of this!" Tu désignes d'une main impatiente l'espace entre vous, la colère brûlant dans tes veines. "What did you want me to do? Come and hold your hand until you felt ready to move your ass? I thought you knew this by now, every. Second. Counts." Tu frappes dans ta paume pour accentuer chaque mot. Tes côtes te font un mal de chien, et tu sais que les blessures de Kell ne font pas le moindre bien non plus. Ça serait simple de le guérir, mais t'étais au bout de tes forces et de ta patience. "I don't know where your head is at these days, but you better bring it back fast or we'll both be dead soon enough." Tu lui jettes un regard mauvais, reprenant ton verre entre tes doigts. "If you want out or something, I don't give a shit, but you better tell me fast." Tu regrettes tout de suite tes paroles. Tu t'en fous pas le moindrement. Ça t'arrache le coeur et les entrailles de juste y penser - mais c'est plus facile de prétendre. Kell verra au travers de tes artifices - ou pas. Peut-être que ça serait plus simple comme ça,
de continuer de prétendre qu'on se déteste,
et juste terminer ça ici.
Si c'est ce que tu veux, Kell.
Prove me wrong.

T'as l'air con, planté là. À saigner dans tes vêtements, prêt à en laisser glisser sur le sol également. Tu t'en fous. Le plancher de Misa avait bien le droit d'essuyer ta colère, lui aussi. Pas de raison que ce soit toujours ton appartement qui écope des taches impossibles à nettoyer. Pas alors que tu étais déjà celui qui te tapais toutes les blessures les plus osées. C'est ton rôle, et tu le sais. Là pour la défendre, là pour prendre les coups à sa place. Elle pourra toujours te soigner ; tu n'en avais ni le talent, ni l'opportunité. Sa mission était plus importante que la tienne. C'était le rôle que tu avais accepté. Celui qui te donnait une raison de vivre, depuis plusieurs années. Et pour rien au monde tu ne l'aurais abandonné.

Mais ce soir, ton coeur souffre de la manière dont les choses se sont déroulées. De la distance de Misa, et du manque de confiance qu'elle te vouait. Tu t'étais attiré tes blessures par pure inattention. Tête ailleurs, le corps trop ankylosé par tes pensées pour réellement te mettre dans un combat qui aurait bien pu vous tuer. Misa s'en était braquée. Et la plaie au flanc dont tu avais écopé avait été le résultat de ce manque soudain de confiance qu'elle t'avait voué. Parce qu'elle n'avait plus voulu se reposer sur toi. Parce qu'elle avait fait comme si elle n'avait pas besoin de toi.
Parce qu'elle n'était plus habituée, parce que le démon avait failli la coincer, parce que t'avais été trop con pour gérer la situation.
Tu te repassais l'attaque dans la tête avec acharnement. La douleur sur ton flanc t'y ramenait, inlassablement. Et ta colère ne diminuait pas le moindrement.

Mais tes propos, eux, sont déplacés. Et Misa ne manque pas de te le souligner. « Fuck you. How many times do I need to tell you asking you had nothing to do with pity? I'm sick of wasting my time reassuring you. Do I need to fucking spell it out again? Grow up, Kell. » Sa colère te fait l'effet d'un coup dans l'estomac. Tu as envie de riposter, d'aboyer, mais rien ne te vient. Tes doigts se crispent, ton corps se tend. Dans un effort pour ne pas porter ta main à ton abdomen, pour ne pas sombrer, ton visage s'arme d'un rictus mauvais. Mais Misa n'a pas terminé. « What the fuck happened back there, huh? I expect you to have my back, Kell. I need you to be there! This is the whole point of this! » « I was here! Don't put it all on me! » Tu cries en même temps qu'elle. Vos mots se bouffent, vos rages s'entrechoquent. Ses coups font plus mal que les tiens. Tu respires mal. « What did you want me to do? Come and hold your hand until you felt ready to move your ass? I thought you knew this by now, every. Second. Counts. » Tu mérites chacune de ses attaques, mais les mots te rabaissent douloureusement. « I wanted you to fuckin' trust me! Not go on a rampage like I don't have to cover your ass every. Damn. SECOND! » Tu ne devrais pas. Ce n'est pas de la faute à Misa. T'avais merdé avant elle, et ton incompétence vous avait mis dans cette situation. Tu t'en veux.

« If you want out or something, I don't give a shit, but you better tell me fast. » Tes répliques se faisaient instantanées, mais cette fois, tu arrêtes de respirer. Ça te prend quelques secondes avant de rassembler tes idées. La plaie qu'elle vient de creuser en ton coeur est béante. Plus profonde et douloureuse que celle de ton flanc, où tu portes ta main instinctivement. « You don't give a shit? » Toutes tes craintes, rassemblées en une attaque cinglante. Tu devrais sentir le regret passer entre vous, votre lien te le murmure, mais tout est trop bas. Tu ne vois pas assez clair pour ça. « Right. Not like you ever did. Even though I have to keep up with your stubborn ass every day. Even though I take every fuckin' hit. For you. » T'en trembles de rage. À cet instant, tu la hais autant que tu te hais. Tu ne t'es jamais aussi bien souvenu de pourquoi tu as accepté cette place à ces côtés, mais tu es incapable de te prendre à le regretter. « Y'know what? When I fuckin' die for your stubborn ass, I hope you brief the next stupid asshole a little bit better than you did me. If I'd known what I was in for, maybe I'd have thought twice about it. » C'est à ton tour de regretter instantanément les mots que tu lui craches. Tu n'y aurais pas réfléchi plus longtemps. Tu aurais dit oui, aussi rapidement que tu l'as fait il y a deux ans. Parce que la responsabilité que Misa t'a placée entre les mains est un baume inespéré, et inexpliquable. Parce qu'aujourd'hui, tu n'imagines plus ta vie sans elle. Malgré toute la méchanceté que tu as présentement à lui donner. Tu n'en penses rien. Tu veux juste lui faire comprendre que t'es blessé, dans tous les sens du terme.

But you know what, Misa ?
Maybe you don't give a shit, but I do.
I give a shit.
About your life, about you.

Even if you treat me like this every day for the rest of this god-forsaken life, I'll keep protecting you. I'll die for you.

'Cause I give a shit.
I may be useless, but I do.

I really do.

Ça éclate. L'éclair vous avait frappé de plein fouet et voilà que le tonnerre remplissait le silence. Ça gronde profondément dans ton estomac, dans tes tripes, dans ta gorge. Tu as envie de hurler et taper du pied et vociférer jusqu'à ne plus en finir. Kell arrivait tellement à venir gratter là où il fallait pour te faire exploser, ça te dépassait, ça t'enrageait. Qu'il te connaisse à ce point, qu'il te comprenne à ce point. You are bound, Misa. Comme tu ne saurais plus t'en passer - mais comme tu aurais aimé pouvoir t'en débarrasser. C'était tellement plus simple, d'être seule. Tellement plus facile. Tellement plus terrible.

Tu ne vois plus clair, la dispute vient tout brouiller. Tu ne sais pas te mesurer quand tu es en colère, tu le sais bien. Clairement, ce n'est pas non plus le cas de Kell. Ta colère envenime la sienne, sa rancune la tienne. "I was here! Don't put it all on me!" Tu ne l'écoutes pas, tu ne veux pas l'entendre. Tes muscles sont fatigués, ton esprit épuisé, et tes émotions déferlent en torrent dans des pensées que tu n'arrives pas à trier. Il n'avait pas été là pour toi, et pourtant tu sais que c'est un jugement injuste, que la situation était plus compliquée que ça. Mais maintenant que t'es lancée, que ta colère trouve moyen de s'exprimer, t'es incapable de t'arrêter ou d'entendre raison. "I wanted you to fuckin' trust me! Not go on a rampage like I don't have to cover your ass every. Damn. SECOND!" Tu tapes du pied, tes yeux brûlant de rage, tes poumons à deux doigts d'éclater. "THIS IS YOUR JOB!" Le pire, c'est que tu détestes hurler. Mais parfois, c'était la seule chose à faire - et Kell savait toujours tirer ça de toi. Ton meilleur, ton pire.
Est-ce que t'es sûr que tu veux toujours rester avec moi ?
Est-ce que je n'ai pas été assez horrible pour te faire changer d'avis ?
Je comprendrais, tu sais.

Pensées noires qui te hantent, qui te font dire quelque chose que tu regrettes tout de suite. Dans le brouillard de la dispute, tu ne peux pas compter que Kell sache faire la différence. L'émotion est trop vive, trop poignante. Too late.
You said it.
Et Kell ne te laisse pas filer.

"You don't give a shit?" Tu serres la mâchoire. Tu sais qu'il a mal, en plus, tu le vois bien, tu le sens, alors qu'il porte une main à son flanc. "That's not -" Tu t'arrêtes. Ça ne sert à rien. Il ne t'entendra pas. "Right. Not like you ever did."  Ça vient rallumer la colère en toi. Tu soupires à en fendre l'âme. "I did not say that!" Tu détestes qu'il mette des mots dans ta bouche. Et pourtant il a raison d'être blessé. "Even though I have to keep up with your stubborn ass every day. Even though I take every fuckin' hit. For you." Tu le dévisages, tremblante, tes poings se refermant brusquement. "Y'know what? When I fuckin' die for your stubborn ass, I hope you brief the next stupid asshole a little bit better than you did me. If I'd known what I was in for, maybe I'd have thought twice about it." Tu t'approches d'un pas, relevant le menton pour fixer ton regard dans le sien. Tu ne penses plus. Ta colère, à elle seule, anime ta moindre pensée. "Maybe you should have. I told you what this job meant, I told you! Don't put this on me! This is not about you dying for me, it's about fighting with me!" Tu fais encore un pas vers l'avant, pointant ton index vers lui. "You know the stakes, so why would you come for a mission with only half your head? What the fuck is the matter with you these days?! You almost killed us both, Kell. Both of us!!" Pendant un instant, tu perds tous tes mots, et tu viens le pousser. Une, deux, trois fois, pour ponctuer chacun de tes mots. "I fucking hate you when you're like this! And if you can't stand me so much, if I'm such a bitch and a pain in your ass, why are you still here? Huh? WHY?! Just LEAVE if that's what you want to do!" Tu le pousses à nouveau, oubliant la douleur, oubliant les blessures. Oubliant tout.
Tout, sauf le coeur qui lui est tellement dévoué.
Dévoué à en être aveugle, à ne savoir qu'avoir mal.

Dans tes mots, la rage.
Dans tes yeux, une demande.
Don't leave me. I need you.
I always will.
Even when we're down, even when we're broken.
I won't let you die for me.
I'll die with you.

Tu ne pensais pas la moitié de ce que tu disais. Les mots t'échappaient, cinglants et incontrôlables. T'avais envie de crier à t'en déchirer les cordes vocales, envie de passer ta frustration en hurlements plutôt qu'en raisonnement. T'étais blessé. Les coups de Misa avaient fait mouche, et tu lui en voulais. Même si tu aurais dû sentir, au fond de toi, le lien et sa vérité, sentir qu'elle ne pensait rien de ce qu'elle disait, tu ne parvenais pas à y voir clair.
Et tu venais, une fois de plus, de tout gâcher.

Les poings de Misa se sont serrés. L'avertissement aurait dû passer mais, une fois de plus, tu n'avais rien écouté. T'es con, et tu vas vous condamner. « Maybe you should have. I told you what this job meant, I told you! Don't put this on me! This is not about you dying for me, it's about fighting with me! » T'es trop borné pour comprendre. Le concept t'échappe, et tu crois toujours que tu bosses pour Misa. Que t'es supposé mourir pour elle en bout de ligne, et lui permettre de s'en tirer. Les subtilités sont hors de ta portée. Tu ne veux pas les entendre. Tu ne veux pas les comprendre. Tu as besoin de la protéger, et de la mettre au-dessus de toi quelle que soit la situation dans lequel vous vous trouviez. Et voilà qu'elle te faisait réaliser que toute ta conception de votre relation était erronée. Que tu ne comprenais rien.
Que tu te faisais tout de travers.

T'étais un bon à rien.
Pigé.

Tu recules d'un pas, alors qu'elle avance vers toi. « You know the stakes, so why would you come for a mission with only half your head? What the fuck is the matter with you these days?! You almost killed us both, Kell. Both of us!! » La culpabilité est logée au fond de ta gorge, et tu n'arrives pas à l'avaler. Ton visage se tord, alors que Misa commence à te pousser. Tu mérites chacun des coups, et tu n'as plus rien à répliquer. T'as juste de l'amertume, juste de la colère. Tout se dirige contre toi-même, et tu souffres de les sentir te ronger. Misa avait raison : t'étais à l'ouest, et t'avais bien failli vous tuer. « I fucking hate you when you're like this! And if you can't stand me so much, if I'm such a bitch and a pain in your ass, why are you still here? Huh? WHY?! Just LEAVE if that's what you want to do! » Elle déforme les mots dans ta bouche, mais tu ne la reprends pas. Tu bous de l'intérieur. Bouffé, à bout, et rappelé à l'ordre par les mots cinglants que Misa te balançaient. Ton corps est sur le point de s'effondrer. Les bousculades ont empiré la douleur, et t'as envie de hurler. T'as envie de pleurer. T'as envie de tout, sauf d'être là. Sauf si c'était pour les bras de Misa.
Et tu te détestes de penser à ça.
Jamais elle ne te les donnerait.
Votre relation n'était pas comme ça.

« ... Fine. » C'est sec. Ça claque. « I'll get out of your hair, since you hate me so much. » Tu fais un pas vers l'arrière, puis tournes le dos à Misa. Ton pas est déterminé alors que tu boites vers la porte qui lie vos deux appartements. Elle n'est pas verrouillée, mais tu te feras un point d'honneur d'y remédier de ton côté. Tu ouvres le battant, rentres dans ton appartement — mais alors que tu vas pour le claquer derrière toi, le son familier ne vient pas. Tu te retournes pour voir Misa, et t'as envie de hurler. Sans mots, sans rien articuler. Juste hurler. Ta frustration emmagasinée, crevant le plafond, sans pitié. Et tu n'avais même pas pu claquer la porte pour te défouler. « WHAT NOW?! » T'es à bout. Tu poses ta main sur ton abdomen, où le sang a percé ton t-shirt. T'as besoin de t'asseoir, mais tu te refuses à perdre de la hauteur. Tu te contentes de t'appuyer contre le meuble le plus proche. La haine dans les yeux. L'enfer au coeur. Pourquoi on se fait ça, Misa ? « I don't get the job, I'm useless, I'm stupid, you hate me, I GOT IT. Isn't that enough?! What else can you POSSIBLY have to tell me ?! » C'est pas ce que t'en as retenu. Ça te lève le coeur, et tu ne peux pas t'empêcher de poursuivre. « You think I don't realize what I did? » Ta voix se brise. Tu voudrais juste qu'elle s'en aille. Qu'elle te laisse tranquille. Tu ne veux pas pleurer devant elle — et t'as aucune garantie que tes larmes pourront être ravalées lorsqu'elles pointeront le bout de leur nez. « You think I don't feel bad, or guilty?! THAT'S ALL I FEEL! » Tu vas trop loin. Tu te dévoiles plus que tu ne le voudrais. « I'm trying, ok?! I'm sorry I don't meet your perfect standards, but I'm doing the best I fuckin' can! And if that's not enough, then nobody asked you to put up with me! YOU asked for my help, and I gave you everything. EVERYTHING! » Tu voudrais t'approcher d'elle à nouveau, mais tu n'en as pas le courage. « What else do you want?! HUH?! » Ta gorge brûle. Tes yeux brûlent. Ton flanc brûle, ton dos brûle, t'as besoin de t'asseoir. Dans ta colère, tu perds peu à peu contact avec la réalité. Arrête, Kell. Arrête.

« You told me to leave, I left. Why the hell would you follow me? Can't you just leave me alone ?! » Tu lui tournes le dos. Ouvres un placard, pour en tirer un verre et une bouteille. Tu te sers, les mains aussi tremblantes que la voix, et tu en renverses un peu à côté. Tu ne veux plus de cette dispute. Tu ne veux plus de rien.
Tu veux juste boire pour oublier, et aller te coucher.
Fermer les yeux sur cette maudite soirée, et sur ton coeur brisé.

Tu es à bout de patience, à bout de forces. Pourtant tu te bats avec une férocité pour laquelle tu n'as pas d'énergie et même pas le coeur - alors qu'est-ce qui te pousse à continuer de hurler, à continuer de bouger comme ça ? T'étais injuste. T'étais cruelle. Mais tu ne savais pas faire autrement, pas alors que Kell venait chercher toute la colère et l'amertume en toi, pas alors que tu ne savais presque plus quelle était la question de votre dispute, si c'était vraiment juste ce combat maladroit et risqué qui venait de se dérouler, ou s'il y avait autre chose. Vous n'étiez pas doué, ni un ni l'autre, pour vous ouvrir - est-ce que ce manque de communication finissait par avoir raison de vous ? Tu ne savais pas. T'étais incapable de faire le tri dans tout ça, pas douée, et peu encline à vraiment te remettre en question. Un défaut qui avait toujours brouillé tes relations avec les autres, et qui était moins de la mauvaise foi que de la simple peur - et voilà que c'était en train de vous briser peu à peu. Tu n'es pas capable de voir clair, pourtant. Tu as juste envie de crier. Juste envie que Kell comprenne quelque chose qui t'échappait à toi aussi.

"... Fine." Tu le dévisages, arrêtée par le froid dans sa voix. "I'll get out of your hair, since you hate me so much." Ça a l'effet d'un coup de poing, et tu as envie de t'arracher les cheveux. Tu comprends rien Kell, tu entends rien, tu ne m'écoutes pas, c'est pas ce que j'ai dit. Sur le coup, tu es tellement énervée que tu réagis presque trop tard alors qu'il tourne les talons en direction de son propre appartement. Tu te dépêches de le suivre, tes pas décidés, frappant le sol avec force, ton regard noir, alors que tu plantes ton pied dans le cadre de la porte pour empêcher que celle-ci se ferme. "WHAT NOW?!" Il a mal. Tu le sens, tu le vois. Mais tu ne peux pas penser à ça maintenant. "We're not done talking!" Tu lui balances avec colère, bien décidée à ne pas claquer cette porte, même si au fond ça serait la meilleure chose à faire. "I don't get the job, I'm useless, I'm stupid, you hate me, I GOT IT. Isn't that enough?! What else can you POSSIBLY have to tell me ?!" Ça te paralyse. Quelque chose dans sa manière de te regarder, de se tenir à moitié recroquevillé, une brisure dans sa voix, vient t'écorcher le coeur. Pour la première fois depuis longtemps, tu cherches tes mots. "You think I don't realize what I did?" La soudaine émotion te fait serrer la mâchoire. Of course he knows.
He knows he screwed up.
And you, instead of being there for him, instead of being his partner like you should be, you decided to push him away and yell.
Great job, Misa.

Tu te sens petite. Maladroite. Stupide. "You think I don't feel bad, or guilty?! THAT'S ALL I FEEL!" T'es trop orgueilleuse pour revenir sur tes pas, et le rassurer. Trop fière pour dire quoi que ce soit. Alors tu encaisses sa peine, comme tu encaisserais des coups. "I'm trying, ok?! I'm sorry I don't meet your perfect standards, but I'm doing the best I fuckin' can! And if that's not enough, then nobody asked you to put up with me! YOU asked for my help, and I gave you everything. EVERYTHING! What else do you want?! HUH?!" À un moment, tu as relevé les yeux vers lui - et tu n'arrives plus à regarder ailleurs. Tes grands yeux dans les siens, ton corps vacillant à chaque mot, ton coeur fracassé. La douleur de Kell allait au-delà des blessures qu'il avait subi. Tu te sens stupide de ne pas avoir compris à quel point il avait mal. À quel point il avait besoin de toi. T'es incapable de le voir comme ça. Peut-être que tu devrais le laisser tranquille. T'en aller de sa vie, le laisser vivre comme il l'entendait. Arrêter de le mettre dans une position aussi compliquée.
Tu ne voulais pas qu'il change.
Tu voulais juste lui, qu'il soit là, que vous soyez ensemble.
Si seulement t'étais capable de le lui dire.

T'es aveugle, Misa. Tu as honte. Ta gorge brûle, ta coeur s'effrite. Muette comme une tombe, tu restes plantée là. "You told me to leave, I left. Why the hell would you follow me? Can't you just leave me alone?!" T'as envie d'exploser. Tu le vois aller se servir un verre, et t'es soudainement incapable de supporter de le voir. Ses mains tremblantes, son corps brisé, sa gorge crispée. T'as envie de hurler, de pleurer, de tout détruire sur ton passage. Tu t'es jamais autant détestée. Dis quelque chose, Misa.
Excuse-toi.
N'importe quoi.

Mais alors que tu cherches tes mots, tu sens les larmes monter dans ta gorge, et tu ne trouves qu'une seule chose à faire. Tu tournes sur tes talons et dans un seul mouvement, t'as quitté l'appartement et claqué la porte derrière toi. Le soudain silence et ta solitude te frappent plus fort qu'un coup dans l'estomac. Tu ne sais pas quoi faire de tout ce qu'il t'a dit. Tu ne sais plus. Tu sens tout remonter, et tu ravales un sanglot. Tes yeux se remplissent de larmes. Tu te laisses tomber contre la porte, ramenant tes genoux contre toi, ta tête retombant piteusement vers l'avant. Tes doigts tirent légèrement sur tes cheveux alors que tu retiens un hurlement. That's unfair, Kell.
You think I never hurt?
You think I'm that confident?
You think I don't know what I did to you? What I'm asking you for everyday?
How scared I am.
How lost I am.
How...

Tu devrais retourner le voir. T'excuser, ou au moins lui redire, plus doucement, que tu ne t'attendais à rien de lui à part sa présence. Que tu avais été trop cruelle. Qu'au fond, t'avais aucune attente. Que ça arrivait, d'avoir la tête ailleurs. Que ça arrivait souvent au pire moment. Si seulement t'étais capable de ça. Si seulement t'étais pas aussi coincée, aussi fière, aussi maladroite. Si seulement t'arrivais à t'ouvrir un peu. Peut-être que c'est ça qui te trouble le plus dans ce que Kell t'a dit. Il s'était soudainement ouvert à toi, son coeur saignant entre ses doigts, et t'avais été incapable de gérer.
Have you told anybody who you are?

T'aurais dû dire quelque chose. T'aurais dû. Mais c'était trop tard. T'étais partie sans un mot, et t'osais pas imaginer ce que Kell pouvait penser. Paralysée, tu restes contre la porte, comme dans une transe. Tu frottes machinalement tes joues, essuyant tes yeux pour t'assurer qu'il ne reste pas. T'allais pas pleurer. Non. Les minutes filent, pourtant, et t'es incapable de t'arrêter. Tu ne sais pas trop combien de temps s'écoule. Tu restes juste là, repassant chaque mot dans ta tête, encore et encore. Ça te rend folle. Ton coeur se creuse, tu as mal, tu as soif, t'as envie d'un autre verre, mais tu n'es pas capable de bouger.

Quand tu te relèves finalement, des minutes ou des heures plus tard - t'en sais trop rien - ton corps est ankylosé. Tu marches lentement jusqu'au comptoir, termine le verre que tu avais claqué là, et tu t'en sers un autre. La brûlure à ta poitrine te rappelle les blessures de Kell. Faudrait au moins remédier à ça. If you can't do anything else, do that. Tu ne sais pas s'il va te laisser. Mais t'allais essayer. Ta colère est toujours là, latente. Tu ne sais même plus pourquoi. C'est cependant le visage complètement fermé, sans aucune trace de tes larmes - tu t'en assures par un bref regard dans le miroir - que tu retournes dans l'appartement de Kell. Il n'est plus dans la cuisine, s'est échoué ailleurs. Tu ne le regardes pas vraiment alors que tu t'approches. Mâchoire serrée, pas foutue de dire quoi que ce soit. Tu t'enfermes dans ce stupide silence, incapable de comprendre ce qui se passait à l'intérieur de toi, ce que tu pensais, ce que tu voulais. Tu franchis la distance jusqu'à lui et tu fermes les yeux. Don't move, tu lui souffles intérieurement.

Méticuleusement, tu t'assures de guérir toutes ses blessures. Tu ne lui demandes rien - tu ne fais que fouiller dans ton esprit, dans les murmures sur ton propre corps, pour chaque cassure ou ecchymose. Ta main ne tremble pas, même à son contact - si c'est la dernière chose que tu vas faire pour lui, tu veux le faire comme il se doit. Tu ne sais pas pourquoi il resterait avec toi. T'as envie de t'effondrer. Mais tu restes là, guérissant chaque parcelle de son corps, sauf les blessures qui étaient hors d'atteinte - celles de son coeur, celles de son âme, qui font terriblement écho aux tiennes.

Quand tu as fini, tu te redresses et tu te racles la gorge. "Get some rest." Et ça finira comme ça. Peut-être que demain tu trouveras les mots. Peut-être que demain tu comprendras ce que tu veux. Peut-être que demain tu sauras devenir qui tu veux être pour Kell. Lui donner ce qu'il mérite, et trouver un équilibre dans cette vie que vous essayiez de mener. Peut-être demain.

T'es allé trop loin, et une part de toi le sait. Tu as ouvert des vanes que tu aurais dû garder fermées. Tu as crié des mots que tu avais gardé trop longtemps sous silence, et qui avaient fini par t'empoisonner. Le coeur, l'esprit — aucune différence, quand venait le temps de les mettre sur la table. Ton lien avec Misa t'avait mis à nu, deux années durant, mais tu t'étonnais d'avoir réussi à en garder autant enfermé. Hors de sa portée. Vos disputes faisaient tout remonter à la surface, depuis quelque temps. Doutes, incertitudes. L'impression de ne pas être assez. De ne pas être ce qu'il lui fallait. Mais qu'est-ce que t'en savais ? Tu prenais ses rugissements pour des preuves. Ses colères pour l'insatisfaction que tu étais certain qu'elle ressentait. Si seulement tu avais appris, ces deux dernières années, à la lire mieux que ça.

Tu t'attendrais presque à sentir le choc de son corps contre le tien, la gifle qu'elle te mettrait — et que tu mériterais. Les hurlements, encore et toujours. Mais rien ne vient.
Rien que le froid.
Le son de ses pas, et la porte qui claque derrière toi.

Tu te retournes, coeur lourd et gorge serrée, pour constater qu'elle n'est plus là. Qu'elle a capitulé, elle qui t'avait vociféré que la conversation n'était pas terminée. Faut croire que tes mots avaient fait mouche. Que pour une fois, t'avais gagné. Sans fierté, pourtant : seule l'amertume te reste.
T'es plus perdu que jamais.
Aucune victoire à célébrer.

Tes jambes faiblissent sous ton poids, et tu laisses échapper un soupir à la lisière du sanglot. Tu en as trop fait. T'as trop crié. T'as drainé tout ce que tu avais. Tu as repoussé Misa, plus rudement qu'elle ne le méritait. Tu t'attends à la sentir lever votre lien, à tout instant — mais rien ne vient. Tu ressens, au lieu de ça, toute l'ampleur de son désarroi. Le vide et le chagrin t'emplissent aussi sûrement que Misa, et tu enfonces ton visage dans ta main. Tu fermes les yeux, un instant, tout ton poids déposé contre le comptoir. Tes jambes sur le point de te lâcher, ton coeur abandonné dans le passage entre vos deux appartements. Qu'est-ce que t'as fait, Kell ?
Qu'est-ce que t'as fait ?

Tu réussis à te traîner hors de la cuisine, jusqu'à la petite table que tu as disposé dans ton semblant de salle à manger. Les chaises sont en plastique — elles ne souffriront pas trop du sang que tu pourras y laisser. Tu t'effondres sur l'une d'elle, ton verre et ta bouteille à la main. Une gorgée, puis deux. Le chagrin est amer. Les tremblements dans tes mains peinent à se calmer. Tu devrais aller voir Misa. T'excuser. Lui dire que tu avais eu tort de t'emporter. Que tu reconnaissais tes torts, admettais que tu l'avais mise en danger. Mais rien ne te vient. Tes jambes refusent de bouger. Tout ton corps disparaît dans le blanc de ton appartement. Ton esprit se dilue dans l'alcool de ton verre — et tu ne parviens pas à remonter à la surface. Pas plus que Misa, il semblerait.

Tu sombres. Perds la notion du temps. Voudrais disparaître.
Tu songes à lui demander de mettre fin à votre lien, à jamais.
Tu es effrayé à l'idée qu'elle puisse être blessée par ta faute. Ou pire, mourir.
Tu ne peux pas t'y résoudre, pourtant. Le poids de tes mots continue de te peser. Tu lui as menti.
Le sait-elle seulement ?

Tu ne prends conscience des larmes sur tes joues que lorsqu'elles roulent sur tes lèvres. Le goût du sel te fait grimacer, et tu t'essuies le visage avec toute la hargne qu'il peut te rester. Tes doigts tremblent encore, et tu ne peux que soupirer. Les pleurs continuent sans que tu ne parviennes à les empêcher — ta poitrine en est secouée, ton intérieur entier continue de trembler. Tu gardes tes sanglots silencieux, serres des dents pour ravaler toutes les émotions qui remontaient. Tu ne veux pas que Misa le sente.
Tu ne veux pas qu'elle revienne.
Tu ne veux pas.

Tu dois faire le premier pas.

Tu en es incapable. Les minutes passent, ta paralysie persiste.
Les larmes sur tes joues finissent par sécher. Tes sanglots, pour s'arrêter. Ta respiration se fait sifflante, et la douleur de tes plaies se fait plus vive que jamais. Tu ne veux pas bouger. Tu avales deux autres verres de whisky, sans plus trembler. Tu as besoin de l'anesthésie. Tu ne crois pas que Misa reviendra, et tu n'as pas le courage nécessaire à la confronter. Tu devrais.
Mais t'as peur.

Pourquoi t'as peur comme ça ?

Tu ne sais pas combien de temps s'est écoulé quand tu entends à nouveau la porte s'ouvrir. Tu ne veux pas relever les yeux, tu ne veux pas la regarder — mais c'est plus fort que toi. Ton regard trouve les traits de Misa, qui refuse de le rencontrer. Elle s'approche de toi, déterminée, et tu sens ton coeur se briser lorsqu'elle ferme les yeux pour t'ignorer.
I'm sorry, Misa.
I'm so sorry.
Ses mains se posent sur toi, et les morceaux de ton coeur se recollent d'un souffle. Tu grimaces lorsque sa magie commence à faire son oeuvre — mais tu ne bronches pas. Le nez baissé vers le sol, le myocarde battant à un rythme embarrassant. La douleur dans ton dos n'est bientôt plus qu'un souvenir. Celle de ton flanc reflue doucement, et tu sais que, bientôt, elle disparaîtra également. Que Misa dépensait ses dernières forces pour toi, quand tu ne pouvais pas lui rendre la pareille. Tu étais celui qui prenais les coups, mais la culpabilité restait.
I lied to you, Misa.I was hurt, and I lied.

Le temps file entre vos doigts, et tu ne trouves pas le courage de lui parler. Tu aurais tous les opportunités du monde de t'excuser, mais rien ne te vient. Tu restes tétanisé. Misa te répare de la tête aux pieds, et t'es pas foutu de l'aider. Incapable de faire ta part.
Quand te décideras-tu à changer ?

Elle se redresse, et tu sais qu'elle a terminé. Que ton temps est écoulé. T'as encore tout gâché. « Get some rest. » Tu n'arrives pas à lui répondre — pas plus qu'à la remercier. La tempête fait rage dans ton coeur, et l'emporte sur ce qui ronge tes pensées.
Quand Misa se détourne, ta main attrape son poignet. Délicatement. Comme si tu avais peur de la briser. Peur qu'elle te repousse, peut-être. Tu le mériterais.
Mais tu ne la laisseras pas tomber.

Ton souffle est lourd. Pénible. Pendant un bref instant, tu crois que les mots ne sortiront pas. Que tu l'as retenue pour rien, et que tu ne feras qu'empirer une situation déjà houleuse. Come on, Kell.
Say something.
Now, or you'll lose her.

Eventually, you'll lose her forever.

No.
No.
You can't.

« ... I'm sorry. » Tu sens brusquement ton coeur s'alléger. Le plus dur est dit. Ces excuses que tu n'arrivais jamais à formuler, autrement que sous une pression qui te rendait fou. Pas cette fois. Cette fois, tu l'as avoué. « I lied to you. » confesses-tu. La poitrine soudainement douloureuse. Une plaie contre laquelle elle ne pouvait rien. Blessure que tu avais toi-même causée. Il est temps de travailler à la réparer.
Tu lâches son poignet. Incapable de la regarder dans les yeux plus longtemps, tu noies ton regard dans le whisky qui te fait de l'oeil, à quelques centimètres de là. « I had nothing. » Une vie sans but. Aucun atout particulier. Une dépendance qui t'avait traîné au fond, et t'avait coûté tous les liens qu'il te restait. Nothing. I had nothing. « You were the one who gave me everything. » Not the other way around. L'appartement autour de toi est trop silencieux. Tu soupires. Peines à continuer, mais y parviens quoi qu'il en soit. « I guess... » Just say it. « I guess sometimes I still have a hard time understanding what you saw in me. » Tu prends une grande inspiration. Ta gorge est plus nouée que jamais. Les mots tombent sur tes lèvres avec une douceur brisée, quand tu ajoutes : « But whatever it was, I am thankful that you did. » Le reste est superflu. N'a pas sa place dans le temps qui s'écoule entre vous. Pas alors que tu avais porté des coups trop virulents, à en couper à Misa le souffle qu'il lui restait. Tu lui devais bien ça.

The truth.
The one you never told her, but guessed she always knew.

You had nothing,
And she gave you everything.

You had nothing,
And now
She is

Everything.

Est-ce que ça va se terminer comme ça ? La pensée te hante, ne te laisse pas une seule seconde de répit. T'as l'impression de suffoquer. Ton corps enroulé dans les barbelés qui s'enfoncent peu à peu dans ta peau, la douleur qui te donne le vertige, ton coeur hanté qui te refile la nausée. Est-ce que tu es allée trop loin ? Est-ce que vous aviez tous les deux trop laissés vos coeurs parler, ne laissant de la place qu'au vide et au silence ? T'as envie de siffler entre tes dents, de te damner, toi et ta foutue tête dure, bon sang que tu as encore à apprendre. Tu te traînes peut-être avec la tête haute, t'es aussi perdue que Kell, peut-être même plus, parfois. La pensée revient sans cesse, comme une vague. Tu ne veux pas.
Tu ne veux pas que ça se termine comme ça.

Malgré tout, t'es pas foutue de dire quoi que ce soit. De lui donner des excuses, ou même de lui fournir des explications, rien. Tu restes en silence alors que tu guéris ses blessures, la seule chose avec laquelle tu es vraiment douée, le seul moyen que t'as jamais trouvé pour aider les autres. Si t'avais pas ta magie, tu aurais quoi ? Pas grand-chose. Tu préfères pas penser comme ça, ça te serre un peu trop la gorge. Ce chagrin qui te prend, t'essaie de le refouler, par peur que Kell ne puisse le sentir. Et puis quoi ? C'était sans doute déjà trop tard, t'avais passé la dernière heure à pleurer lamentablement. Est-ce qu'il le savait ? Tu préférais pas y penser. Ignorant la pensée qui se glisse ensuite - so what if he did, Misa? Tu préfères serrer les dents. C'est plus facile que d'admettre que ton coeur était en miettes. T'aurais même pas les mots pour ça.

Tes mains sur lui, avec seulement quelques couches de vêtements pour séparer vos peaux. T'as envie de serrer le tissu, de te laisser aller contre lui, contre sa solidité, sa chaleur. De pleurer avec lui pour te rassurer, qu'il te caresse les cheveux, qu'il te murmure à l'oreille que tout allait bien se passer. Ça te donne le vertige, à quel point tu as envie de juste te réfugier dans ses bras. Ça serait si facile - mais t'es incapable. Tu ne sais même pas s'il voudrait bien de toi. Tu l'as peut-être dégoûté à jamais. Lui qui t'as tout donné. Et toi, tu lui avais donné quoi ? What else do you want? C'était ce qu'il t'avait demandé. La réponse t'apparaissait tellement évidente, et pourtant tu ne savais y faire face. You, Kell.
It's you I want, you I so desperately need.
I don't know it's so hard for me to say so.
If I came closer, would you hold me?

Tu lui souffles tes mots, à deux doigts de te remettre à pleurer, tu détestes être vulnérable comme ça, même devant celui pour qui tu ne peux avoir le moindre secret. Pourquoi t'es même pas capable de t'ouvrir à lui ? What's wrong with you, Misa? Tu serres la mâchoire, prête à te réfugier dans ton appartement et ne plus voir personne. Tu enlèveras votre lien pour la nuit, histoire de ne pas l'embêter, de lui laisser une chance de respirer. Oui. Sans doute que c'est la meilleure chose à faire. Mais alors que tu te détournes, tu sens une main attraper ton poignet. Le contact est doux, presque timide, mais ton corps se paralyse complètement. Tu ne t'attendais pas à ce qu'il te touche, même pas à ce qu'il te parle. Figée, tes traits apeurés refusant de montrer la moindre émotion, tu te tournes lentement vers lui.

Tes yeux rencontrent les siens. Tu vois flou. "... I'm sorry." Tu déglutis, ta gorge horriblement sèche et ton coeur battant beaucoup trop vite. For what? Tu aimerais lui demander. Mais ses yeux te soufflent tellement de choses que tu te retrouves complètement muette. "I lied to you." Il lâche ton poignet, mais tu ne bouges pas. Il baisse les yeux, mais pas toi. "I had nothing. You were the one who gave me everything." Tu regardes brusquement vers la fenêtre, ton poignet brûlant, tes yeux se remplissant de larmes. Tu aimerais pouvoir te cacher, qu'il ne te voit pas pleurer. Tu aimerais qu'il se taise - tu ne veux pas qu'il invente des excuses pour se faire pardonner. Mais tu le sais, que dire ça serait tes propres excuses. Sa sincérité, tu l'entends. "I guess... I guess sometimes I still have a hard time understanding what you saw in me. But whatever it was, I am thankful that you did." Le silence est cruel - tu es incapable de refouler tes larmes et tu sais qu'il entendra le moindre bruit de ta part. Tu vas quand même pas pleurer comme une gamine.
Il va se moquer de toi.

Tu serres les poings, fixe le sol. "People didn't understand why I chose you either." Tu te surprends, à commencer à parler. Faut croire que y'avait des mots que tu avais besoin de dire. "Nobody knew you, you didn't have any training. You were a risk." Tu aimerais pouvoir le regarder, mais tes yeux humides te trahiraient. Tu avais déjà suffisamment de mal à retenir les larmes de couler sur tes joues. "But I knew. I just knew, in my heart, that you were the right person. The right Warder for me." Ta voix tremble légèrement. "I was scared. I still am. Not that I made a mistake, because I know I didn't. But that you would realize I wasn't worth all you were giving." Tu renifles. Trop tard. Fuck it.
Let him see you cry.
If it's the last thing you do, let him see you with your heart open and bleeding.

"Because I'm not. I am not worth it." Ta voix continue de trembler, mais tu serres les poings et tu ne bouges pas de ta position. "I never got a Warder before, not because nobody was good enough, but because nobody saw me. They just saw my skills, what I represented. But you did." Les mots continuent de couler. Tu le regretteras peut-être. Sans doute. Mais ça sera dit. Au moins, tu l'auras dit à quelqu'un. "You saw me. You still do, even after everything. So I don't know if I really gave you anything, but you definitely did." Tu acquiesces, retournant tes yeux vers la fenêtre. La fatigue te pèse, mais tu la balayes de la main. "I'm not sure why I fought before I met you. Now I know, I fight with you, I fight for you." Tu secoues la tête. Un sourire se glisse sur tes lèvres, maladroitement. "Fuck, that sounds so cheesy." Soudainement, tu as le courage de rencontrer son regard. Tu hausses les épaules. "But it's true."

Le silence retombe. Tu te sens plus légère et plus lourde à la fois. Tu n'as aucune idée de si tu vas regretter tes aveux, mais les mots de Kell avaient secoués quelque chose de profond en toi. You were the one that gave me everything. T'allais jamais oublier ça. T'espérais qu'il sache que tu avais parlé sincèrement. Tu renifles un peu, détournant à nouveau les yeux. "Do you still hurt anywhere?" Faut dire que t'es pas doué pour t'ouvrir. Pas doué pour parler avec le coeur, et certainement pas doué pour affronter le regard des autres après ça. But I meant every word.
Please hear me.
Even if you can't believe me yet, hear my words.
Take them, keep them close, and do not forget them.

« People didn't understand why I chose you either. » Tu pensais qu'elle s'en irait. Qu'elle prendrait ta confession, s'en indignerait ou l'ignorerait, et choisirait de tourner la page pour le reste de la soirée. Le lendemain, vous feriez comme si rien ne s'était produit. Vous vous regarderiez en chien de faïence pendant quelques heures, avant de reprendre le cours de vos habitudes. Mais pas cette fois. Cette fois, Misa fait l'effort de s'ouvrir à son tour. De te rendre l'honnête monnaie de ta pièce. Sans broncher. What's happening? « Nobody knew you, you didn't have any training. You were a risk. » Sa franchise te serre le coeur. Tu sais que ça s'en va sûrement dans une toute autre direction, mais te voir éternellement confirmé les craintes et les mauvais mots que tu avais senti passer, te blesserait à jamais. You get it, though. « But I knew. I just knew, in my heart, that you were the right person. The right Warder for me. » Tu la sens presque trembler. Votre lien, plus vulnérable et pourtant plus fort que jamais. What's happening? « I was scared. I still am. Not that I made a mistake, because I know I didn't. But that you would realize I wasn't worth all you were giving. » Le chagrin qui émane de Misa te broie le coeur, et tu sens ton estomac se retourner. Tes yeux brûler, alors que les larmes s'y accumulent sans la moindre pitié. Don't cry.
You look so stupid when you cry.

Tu voudrais lui hurler de se taire. Tendre les bras et l'attraper. La forcer à étouffer ses mots dans le creux de ton cou, lui faire comprendre l'absurdité de ce qu'elle était en train de te souffler. You're worth it. You're worth all of it. « Because I'm not. I am not worth it. » Stop it. Stop.
Just stop.
Elle pleure, et tu es trop tétanisé pour l'en empêcher. Sa peine est la tienne, son insécurité te renvoie le reflet auquel chaque passage devant le miroir te confrontait depuis des années. « I never got a Warder before, not because nobody was good enough, but because nobody saw me. They just saw my skills, what I represented. But you did. » Tu détournes les yeux un bref instant — mais ça ne dure pas. Ton regard est attiré par celui de Misa. Tu ne veux pas la fuir. Pas alors qu'elle s'ouvre à toi, pour la toute première fois. « You saw me. You still do, even after everything. So I don't know if I really gave you anything, but you definitely did. » Tu résistes à l'urgence de prendre sa main dans la tienne. De la serrer, doucement, et d'oublier ce que cette conversation vous faisait. Could we?

Ta main se lève, mais tu la passes sur tes yeux plutôt que d'avoir le courage d'attraper les doigts de Misa. Tu mimes un geste fatigué, pour gommer des larmes qui ne font que plus affluer. Fuck. « I'm not sure why I fought before I met you. Now I know, I fight with you, I fight for you. » Fuck.
Tu ne peux échapper à votre lien. Tu ne peux échapper à ce que sa confession te fait, à ce que tu ressens à cet instant. You fight together. For each other.
You're not here to die for her.
You never were.

« Fuck, that sounds so cheesy. » It did. Mais t'arrives pas à en sourire. Tes épaules s'affaissent, alors qu'un soupir t'échappe. What do we do, now? Ses yeux trouvent les tiens, et tu sens la paralysie te prendre à nouveau. « But it's true. » Les mots, coincés dans le fond de ta gorge. Tes mains lourdes, tes jambes trop fatiguées pour te permettre de bouger. Tu rêves, pourtant, de te redresser. De glisser tes doigts entre les siens, et de l'attirer à toi. De te lever pour la serrer contre toi. Trouver ses lèvres, l'embrasser.
Ne plus jamais la lâcher.

... What the hell?

Tu romps le contact visuel d'un battement de cils. Ton visage se contracte, et tu détournes ton attention au maximum de Misa. Des pensées parasites qui venaient de te submerger, et que tu peinais à ravaler. You could kiss her. Tu n'arrives plus à la regarder. Tu ne parviens plus à respirer.
You're worth it, Misa.
You're worth all of it.

Le moment passe sans que tu n'arrives à articuler quoi que ce soit. Again. « Do you still hurt anywhere? » Tu te frottes les yeux, de nouveau. Shit. Shit.
Say something.
« ... No. » Mensonge à peine marmonné. Ton coeur te brûle comme jamais — mais tu sais que Misa n'y réfère pas. Et tu ne voudrais pas avoir à le lui expliquer. « But can you stay? » Tu relèves les yeux vers elle. Incapable de la fuir plus longtemps. Incapable de nier la chaleur au fond de ta poitrine, ou l'envie de garder votre lien au plus intime pour ce soir. I don't want to be alone.
Actually...
No.

I just want to stay with you.

Tu regardes tes mains. Le sang y a séché. Du pouce, tu frottes la tache dans ta paume opposée.« I don't care how cheesy you sound. » Une moue passe sur tes traits. Tes oreilles brûlent, plus rouges que jamais, mais tu continues de marmonner. « Hell, I like cheesy. Y'know... Once in a while. » Ton coeur bat peut-être trop fort, mais tu te contentes de soupirer. T'es pas encore prêt à la regarder. Tu continues de frotter une tache qui ne partira pas — lentement, méticuleusement. « And you're worth it. You always were. » Tu ne relèves pas le fait que tu l'as vue pleurer. Que tu es à deux doigts de verser tes propres larmes, et que rien ne t'en empêche vraiment. « Just so you know... I wouldn't have said yes to anyone. »  T'as l'expression d'un enfant qui hésite à bouder — mais tu n'essaies pas de t'en débarrasser. T'es honnête, un peu plus que tu ne le devrais. « Don't take this the wrong way, but... I hate most of your sisters. » Tu réussis à trouver ses yeux. Une moue désolée sur les traits, un peu craintif de la réaction que tu déclencherais. « And, man... Warders are the worst. » Tu avais quelques amis. Quelques têtes que tu respectais. Mais somme toute, tu n'appréciais pas grand-monde à la Tour Blanche. Tu aurais tout donné pour n'importe lequel d'entre eux, l'esprit d'une famille que tu n'avais jamais eue, mais tu ne les portais pas dans ton coeur pour autant. « But you're different. » You're worth everything. L'ombre d'un sourire se fraie un passage sur ton visage. Tu affrontes le regard de Misa, autant que tu le peux. « You're worth the fight. » You're worth every fight.

Tu prends une inspiration. La crainte d'en avoir trop dit. Que Misa puisse ressentir la vitesse à laquelle ton coeur battait, après tous ces mots que tu ne pouvais plus contrôler. Tu attrapes ta bouteille, la débouches. Yeah. Another drink will do. « ... Whisky? » Tu ne veux pas la voir filer. Tu ne veux pas que la soirée prenne fin alors que l'amertume te faisait encore marcher sur des oeufs. Tu voulais enterrer la hache de guerre, pour de bon. T'autoriser à sourire, et à dormir le coeur léger. Can we do that, Misa?
After all we did,
After all we said,
Can we pretend everything will be ok?

Just for tonight,
Would you stay ?

Alors que le silence retombe doucement, tu réalises tout ce que tu viens de lui avouer. Ton coeur mis à nu, déchiré en deux pour se déverser entre vous, son contenu entier, tes regrets, tes peurs, ton âme. Tu lui as tout montré. Tu ne crois pas avoir déjà fait ça auparavant. Tu étais proche de certaines personnes, mais jamais comme ça. Rien ne s'approchait même de ce que tu venais de dévoiler. Souvent, tu n'avais pas eu à parler, on avait lu tes yeux, ou tu avais laissé tes gestes exprimer ce que ton coeur soufflait. Mais cette fois, tu avais parlé. Tu avais laissé les mots sortir, tes yeux pleurer, ton coeur s'ouvrir. À Kell. Kell qui faisait déjà partie de toi, Kell qui était déjà à l'intérieur de toi, et qui, maintenant, savait. Tu aurais pu en être embarrassée si seulement tu ne te sentais pas aussi vulnérable et épuisée. Tu es crevée, vidée de ton énergie, tes jambes soutenant à peine ton poids. Tu dois aller dormir. Lui aussi. Et pourtant, tu ne bouges pas.

Il reste là aussi. Ses traits pâles, ses yeux parfois sur toi, parfois à les éviter. Tu le sens au fond de toi, qu'il est épuisé. Que cette dispute vous a tout pris ce qui vous restait - et en même temps, quelque chose a bougé. Une force s'est installée. Tu ne sais pas si tu la perçois vraiment. Tu préfères te concentrer sur le présent. "... No." Tu acquiesces, la gorge sèche, les yeux brûlants, les paupières lourdes. Tu dois avoir l'air complètement misérable. Tu devrais peut-être rentrer chez toi. Lui laisser son espace. Y'avait plus rien à dire, de toute façon. Tu n'as pas vraiment envie d'être seule. Pas après ça. Tu te sens ridicule. Mais alors que tu te résous à tourner les talons, la voix de Kell perce à nouveau le silence. "But can you stay?" Tes yeux viennent percer les siens, alors que ses mots percutent ton coeur. Tu le sens dérailler, virevolter, trembler.
Tu ne veux que lui dire oui.
Yes.
I can stay.
I want to stay.
All I want is to stay with you.

"I don't care how cheesy you sound. Hell, I like cheesy. Y'know... Once in a while." Tu baisses les yeux, un petit sourire venant courber le coin de tes lèvres. Tu le regardes, discrètement, essayant de ne pas t'attarder sur la rougeur de ses oreilles. So adorable. "And you're worth it. You always were." Ta gorge se serre un peu. Tu ne peux pas te remettre à pleurer. Tu as envie, pourtant. Et on dirait que lui aussi. Bon sang. Et si on vous voyait comme ça ? Réputations anéanties. Tu ne finirais pas d'en entendre parler. Tu t'en fiches. Ça vaut tellement pour toi, de pouvoir être enfin vulnérable. Enfin. Tu ne pensais pas que ça serait aussi libérateur. Peut-être aurais-tu dû le faire avant - mais tu ne voulais le faire qu'avec Kell. "Just so you know... I wouldn't have said yes to anyone. Don't take this the wrong way, but... I hate most of your sisters." La surprise fait taire tes pensées pendant un instant, et tu relèves des grands yeux vers Kell. "And, man... Warders are the worst." Tu ne peux pas retenir ton sourire. Il s'agrandit, peu à peu. Et puis, un rire s'échappe de tes lèvres. Ton coeur est tout chaud dans ta poitrine.

Ses yeux se plantent dans les tiens. "But you're different. You're worth the fight." Son sourire fait l'effet d'une bombe. Tu sens ton coeur éclater, et ton sourire ne disparaît pas. Il reste là, discret, comme une ombre sur tes lèvres. Tu te sens tellement liée à Kell en cet instant - plus que jamais auparavant, votre connexion profonde et vraie. Tu as envie de t'approcher. Le toucher. Le serrer contre toi. Toucher sa peau. Être. Les secondes passent, avant qu'il ne débouche sa bouteille. "... Whisky?" Ton sourire s'affirme à nouveau. Partir est la dernière chose que tu as envie de faire. Alors tu marches dans sa cuisine, tu attrapes un verre là où tu sais qu'il les range, et tu reviens vers lui. Tu t'approches, tire une chaise, et ton corps fatigué s'écrase. "Hell yes." Tu lui dis d'un ton complice, lui tendant ton verre. Ton coeur est plein. Ton coeur déborde. Tu ne comprends pas vraiment ce qui t'arrive. Tu n'as jamais été aussi légère. Aussi vraie. Aussi brute. Aussi libre.

"Warders are the worst." Tu lui soulignes avec un petit rictus. "And most of my sisters are insufferable." Tu cognes ton verre contre le sien, comme pour sceller votre alliance nouvellement trouvée. Ton sourire est tranquille, fatigué, mais sincère. "So you like cheesy, huh?" Tu ne sais pas si c'est bien, d'un peu t'enfoncer la tête dans le sable. De ne pas repenser à votre conversation, à tout ce qui s'est dit. Vous devriez faire le point. Continuer d'être honnêtes. Mais vous aviez déjà fait un grand pas. Vous méritiez de vous reposer un peu, et de prétendre que vous n'étiez pas en train de vous hurler dessus cinq minutes auparavant. "How cheesy? Do you have a rom-com collection somewhere? Do you read Harlequin books? Do you cry over Christmas ads?" Tu le taquines. Ça te fait du bien - le whisky aussi. La boisson te brûle la gorge, et tu fermes les yeux avec délice. "No judging. Just asking." Tu te sens revenir à la normale. Et pourtant, rien n'est pareil. "You wouldn't have some food, huh? I'm starving." Ça parviendra peut-être à te donner un peu d'énergie. À te remplir l'estomac, histoire que vous alliez dormir, et que tu arrêtes un peu de penser. À ce qui s'était dit, à ce que tu avais ressenti.
À certaines pensées qui s'attardent dans ton esprit,
et qui te soufflent de braver l'interdit.

Misa ne te répond pas — mais ne s'en va pas davantage. Tu sens ton coeur apaisé par sa présence, et par l'idée qu'elle acceptait en silence de rester à tes côtés. You don't need anything else.
Just her.

La pensée t'effraie, mais tu fais taire la voix en toi avec une aisance étrange. Vous étiez liés. Physiquement, émotionnellement, avec tout ce que ça impliquait. Et pour ce soir, tu avais envie de l'accepter. De tirer un trait sur vos différends, vos mauvais moments. Sur les cris échangés quelques minutes auparavant, et le sang que tu avais fait couler un peu plus tôt dans la soirée. La douleur s'évapore peu à peu de ton corps. Réparation acceptée, sans séquelles à déplorer. Ne restait qu'à panser ton esprit et ton coeur. Après les avoir brisés, Misa s'en occuperait.

« Hell yes. » Son ton est complice, et te confirme ce que tu espérais : elle restera à tes côtés. Tant que la situation ne dégénérait pas de nouveau, tu pourrais compter sur sa présence. Elle te tend son verre, l'âme appâtée par l'alcool, et tu lui en sers une portion généreuse. Pas le moment d'être radin. Bosser pour les Aes Sedai ne venait pas avec un salaire remarquable, mais tu ne le faisais pas pour ça. Tu le faisais pour Misa. Ce fait au moins avait été rendu parfaitement clair par les mots échangés, et par ces larmes que vous aviez versées. Le chagrin et la peur te reste dans la gorge, mais tu t'efforces de les ravaler. Le whisky aide. La lueur dans les yeux de Misa aussi. Le calme revient dans votre lien, et tu sens la chaleur peu à peu engourdir tes membres. T'es bien, là.
À croire que ça prenait tout ça.

« Warders are the worst. And most of my sisters are insufferable. » T'en as un rire léger, étouffé par la gêne de ton honnêteté. Tu savais que vos points de vue se recoupaient sur le sujet, mais tu t'en voulais toujours d'afficher ton avis aussi crûment. Misa avait grandi dans cet environnement, à côtoyer ces gens. Tu ne voulais pas lui donner l'impression que tu regrettais de désormais le partager, ou que tu n'accordais que du dédain aux années qui l'avaient formée. Bien au contraire. Mais comme toute belle famille, celle de la Tour Blanche venait avec son lot de je-sais-tout et de tête-brûlées — et tu n'avais jamais eu la moindre patience à accorder à cette tranche de population. Tu n'avais pas le choix, cependant. Certains jours, les supporter était plus difficile que tu ne l'avouais.
Mais au travers de tout ça,
Tu y gagnes Misa.

Vous trinquez doucement, et tu reprends une gorgée d'alcool. Tu sens tes épaules se détendre peu à peu, ta gorge se dénouer. Misa n'a pas l'air prête à repartir, et tu commençais à croire qu'elle passerait la nuit à tes côtés. Would she, really? La simple idée te rassérénait. Au diable la pudeur et les bonnes manières — au diable la jalousie criante que tu ressentais chaque fois que tu la savais accompagnée. Tu n'avais envie que de t'endormir en la sachant à proximité. Ouvrir les yeux sur elle, le lendemain, et sentir la valeur entière de votre lien. You and her are one.

« So you like cheesy, huh? » Tu plisses des yeux à sa remarque, tiré de tes rêveries par un détail qui n'y figurait généralement pas. L'enfer de la personnalité de Misa. Tu siffles entre tes dents, retournes à ton whisky. Tu aurais dû te douter qu'elle s'en servirait contre toi. Ton irritation demeure cependant modérée : tu n'as plus le coeur à te battre, et tu apprécies au contraire que votre relation n'ait pas été altérée par les aveux et les reproches que vous vous étiez lancés. It's not weird.
Nothing's changed.
« How cheesy? Do you have a rom-com collection somewhere? Do you read Harlequin books? Do you cry over Christmas ads? » Tu sens le naturel revenir au galop alors que ton estomac tiraille de l'envie de lui balancer toute ta répartie. La conversation est joueuse, pourtant — et ta mauvaise humeur en devient un simple élément. Pas vraiment fondée. Juste histoire de ne pas te laisser piétiner. « Oh, you're so funny. » C'est railleur, boudeur, un peu mauvais joueur. « I hate Christmas ads. » Because they make you cry, sometimes.
But she doesn't need to know that.
« No judging. Just asking. » Tss. Tu lèves les yeux au ciel, mais ton humeur boudeuse ne s'attarde pas. « Like you don't enjoy a girl flick sometimes. » Tu n'as plus envie d'en parler. Si tu le pouvais, tu savourerais le reste de la soirée sans un autre mot — épuisé par la dispute qui vous avait secoués. Mais tu ne veux pas que tout se termine si vite. T'as étrangement envie de t'attarder dans cette cuisine mal éclairée, avec cette bouteille qui te forçait à ne pas angoisser sur tes pensées. La présence de Misa, à quelques pas. Il serait si facile de tendre la main et de la toucher.
D'effleurer ses doigts.
Sa joue.
Son cou.

« You wouldn't have some food, huh? I'm starving. » Sa question te ramène brusquement à la réalité, et tu chasses les pensées parasites d'un battement de cils. Tu ne peux pas penser à ça. « I'm sure I can find some old pizza in the fridge. » Joignant le geste à la parole, tu te lèves pour aller la chercher. T'en avais commandé un peu trop, un soir où tu te croyais réellement affamé — et où Misa t'avait coupé l'appétit sous le nez en te traînant à l'autre bout de la ville pour une mission. « It's got mushroom on it, but you know. Just don't eat them. » Tu poses la boîte en carton sur la table entre vous, et l'accompagnes de deux bières que tu as attrapées sans y penser. Le whisky avait fait son oeuvre, et tu avais désormais besoin de décompresser autrement. De faire durer le moment.
Tu finis ton whisky d'un trait avant de décapsuler la première bouteille, et te jettes sur la pizza sans avoir les manières de laisser Misa s'y pencher en premier. « It's not that old. » Ta première bouchée est rageuse. La pizza froide est un goût que tu as développé avec les années, et avec la flemme de la réchauffer. Tu étais sûre que Misa comprendrait. Et si non, le micro-ondes était à disposition de son palais raffiné. « Hm. Better than I remember. » Ta moue est appréciative, et tu regardes la pizza entre tes doigts. « But then again, it's not like I really had time to enjoy it the other night. » soupires-tu, plus pour toi-même que pour Misa. Tu te souviens être sorti de chez toi en courant, une pointe encore bouillante coincée entre les dents. Demons always ruin the mood, don't they?

But they brought me to you.
So that's ok.

Le whisky est juste comme tu l'aimes. Pas le meilleur, pas le pire, juste assez pour te brûler la gorge et te calmer le coeur. Tu as la colère facile, la tristesse brutale, la passion brusque, et toute ta vie tu avais dû trouver des moyens de balancer tout ça. Tes pouvoirs aident, c'est certain, le combat encore plus. Combien de fois est-ce que tu t'étais acharné en entraînement ou contre une saleté de démon juste pour expulser ce qui bouillait à l'intérieur de toi ? Parfois, tu te demandes si tu ne te servais pas de ta cause comme excuse pour ne pas avoir à gérer ce qu'il y avait dans ta tête. Peut-être que c'Est vrai. Sans doute que ça l'est - et ça ne faisait qu'empirer au fil des années, aux rencontres que tu faisais, aux gens que tu perdais, à ce que tu voyais. Tu t'en fiches. C'est ce qui fait du sens pour toi et tu n'as pas vraiment envie de le questionner davantage. Tes solutions sont trop simples, trop éphémères, et inévitablement ta colère revenait toujours au galop, comme ça avait été le cas même pas une heure auparavant. Mais au fond, hurler et taper du pied, ça fait partie de toi. Tout comme ce silence qui s'installe, ce calme qui se crée dans ton estomac, un verre à la main, et Kell à tes côtés.

Tu le sens. C'est ce qui est traître entre vous - vous êtes bornés et vous n'aimez pas vous ouvrir sur vos émotions, et pourtant il n'y a aucun moyen de les dissimuler. Tout est là, visible et sensible, comme un nerf mis à découvert. Ça ne fait qu'empirer les disputes, mais ça rend les moments au calme encore plus apaisants. Tout n'est pas réglé, bien sûr, rien ne l'est jamais entre toi et Kell, mais tu savoures ces quelques instants à juste discuter, boire un verre, lui jeter des regards discrets, essayant de ne pas laisser les pensées trop s'attarder. Peu importe ce que vous venez de vous avouer. Est-ce que tu voulais que ça change quoi que ce soit ? D'instinct, tu taperais du pied et tu dirais non. Mais peut-être que ce n'est pas entièrement le cas. Tu préfères te concentrer sur autre chose pour le moment, et tu laisseras les mots de Kell tourner en boucle dans ta tête plus tard. "Oh, you're so funny. I hate Christmas ads." Tu as le sourire un peu moqueur, et tu arques un sourcil dans sa direction. Tu le crois, et pourtant pas vraiment. Le coeur de Kell est un mystère pour toi, autant qu'il peut être tellement à découvert. Il est si facile à lire, et pourtant il y a bien des moments où tu ne le comprends pas. Il te tient en haleine. Il ne cesse de te surprendre - et ça, ce n'est pas quelque chose que les gens arrivent souvent à faire. Mais Kell, oui. Kell is different. "Like you don't enjoy a girl flick sometimes." Tu claques ta langue contre ton palais, décidant de ne pas même pas lui donner l'honneur d'une réponse. Il le savait très bien, que ça t'arrivait d'en regarder. Que ça te faisait rigoler, que ça te distrayait du reste. Mais tu préfères t'attarder sur son ton boudeur, et boire une autre gorgée de whisky.

Tu es bien, là. Trop bien. Tes yeux voguant de ton verre à Kell, s'attardant peut-être un peu trop sur ses traits. Il a l'air fatigué. Tu ne dois pas avoir meilleure mine. T'as le corps encore dévasté, les yeux brûlants, la tête trop lourde. Mais tu ne veux pas bouger. Pas maintenant. Alors tu lui demandes s'il a quelque chose à manger - ça te donnera un peu d'énergie, peut-être, au moins pour terminer ta journée et ne pas te réveiller le lendemain avec l'estomac vide. "I'm sure I can find some old pizza in the fridge." Tu le regardes se lever et marcher vers le frigo, déposant ton verre sur la table. La ligne de ses épaules. La courbe de son dos. Les cheveux sombres, dans un désordre le plus complet. Tu te demandes comment ça serait, de glisser tes doigts entre eux. Kell dépose la pizza sur la table et te ramène à l'instant présent. "It's got mushroom on it, but you know. Just don't eat them." Tu plisses le nez mais tu ne dis rien, même si tu aurais d'ordinaire fait ta difficile. Tu n'as plus l'énergie de te battre contre Kell aujourd'hui. Tu observes la pizza alors que Kell attrape une pointe, et tu lui jettes un regard appuyé. "How old is this?" La pizza n'a pas très bonne mine, même si elle n'apparaît pas mauvaise. "It's not that old." Tu laisses échapper un soupir, attrapant ta propre pointe. Tu n'adores pas la pizza froide mais tu n'as pas l'énergie de te lever pour aller la réchauffer. De toute façon, c'est juste histoire de combler le trou dans ton estomac et ne pas passer les prochaines heures affamée.

Tu es en train de balancer les champignons sur ta pointe dans la boîte, tes doigts s'agitant contre la texture désagréable du légume, quand Kell renchérit. "Hm. Better than I remember. But then again, it's not like I really had time to enjoy it the other night." Tu laisses échapper un long soupir, observant attentivement ta pointe pour t'assurer qu'il ne restait pas le moindre trace de champignons. "Boo hoo, poor princess. Next time I'll tell the demon to wait until you've finished eating, yeah?" Ta voix est plus joueuse que mauvaise, cependant, et tu prends une bouchée de la pizza en te laissant retomber contre le dossier de la chaise. Malgré le fait qu'elle soit froide, elle n'est, en effet, pas mauvaise. Tu lui jettes un regard surpris. "Hm. You're right though, it's not half bad. Where did you order this?" Tu jettes un regard à la boîte, la refermant pour voir le logo. "Hm." Tu prends note. La prochaine fois que Kell demande une pizza, tu sauras où commander.

Tu continues de manger, et le silence tombe. Comfortable, familier. Tu ouvres ta bière, tu la sirotes un peu. Le silence ne te dérange pas, même que ça te fait du bien de juste pouvoir être là. Exister. Respirer. Kell pas bien loin. Kell à proximité. En sécurité. En vie. "I'm gonna need to go to the Tower tomorrow." Tu lâches après quelques minutes, l'estomac un peu rempli, frottant tes mains l'une contre l'autre. "You want to come with me? Or should I go while you sleep in?" Tu le taquines un peu, lui lâchant un sourire en coin. Tu déposes la bouteille de bière sur la table, lâchant un long soupir, fermant tes yeux fatigués quelques secondes pour les reposer. "Pizza was fine. Beer was gross. You need to stop buying that brand." Tu secoues tes cheveux un peu, pose tes mains sur ton abdomen. Tu pourrais t'endormir là, si tu ne fais pas attention.

Tu peines à comprendre l'étrangeté de la situation. Un instant plus tôt, vous vous balanciez au visage les pires ignominies auxquelles vous étiez capables de penser — et cinq minutes après, comme si de rien n'était, tu partageais avec elle pizza aussi généreusement que whisky. Tu ne t'y habituerais jamais. La manière dont votre lien amplifiait vos émotions, vos réactions. Cette aisance que vous aviez à vous motiver vers la dispute, aussi aisément que vous vous encouragiez à en redescendre. Calquant vos besoins et vos sentiments sur ceux que l'autre manifestait, miroirs parfaits. Ébréchés, usés, mais déterminés à rester sur pieds. Tu le ferais pour elle, plus que pour toi. Parce que tu avais peur de ce que Misa ferait, si un jour tu disparaissais. Peur qu'elle ne cherche personne d'autre pour la protéger. Peur que le temps file trop avant qu'elle ne trouve une autre âme capable de l'épauler. Peur que, d'ici là, elle se fasse tuer.
Le cauchemar te ronge l'estomac, chaque jour qui passe. Chaque fois que tu réalises ton entraînement trop superficiel, ton caractère trop tête-brûlée. Chaque fois qu'un Warder ou une Aes Sedai te fait comprendre que tu n'es pas assez. Une part de toi sait que tu es suffisant pour Misa, mais le reste de ton être a également conscience de tes capacités physiques limitées. Tu n'avais pas tout ce qu'il fallait pour efficacement la protéger. Pas comme tu l'aurais souhaité.
Mais ce que tu avais, tu ne le lâcherais pas. Tu l'aiguisais, sans relâche. Qu'importe le supplice de ton corps, l'âge qui se faisait parfois sentir malgré ton organisme en forme. Tu donnerais tout ce que tu avais. Tu ne te laisserais pas tuer avant d'avoir pressé jusqu'à la dernière goutte de ton âme et de ta loyauté. Pas avant de t'être assuré que tu aurais tout fait pour la protéger.
D'ici là, tu ne ploierais pas.
Tu continuerais de grincer. Continuerais de ronchonner.
Tu te plaindrais à tour de bras.
Tu t'entraînerais plus encore.
Et tu ne briserais pas.
Jamais.
Pas temps que tu serais le seul auquel elle ferait confiance pour la protéger.

La résolution se reflétait dans la peine que tu ressentais, chaque fois que vous vous disputiez. Dans le calme qui t'envahissait, lorsque les eaux se calmaient et que vous vous retrouviez.
Dans cet instant, où tu aurais donné pour elle ton coeur et ta raison.
« Boo hoo, poor princess. Next time I'll tell the demon to wait until you've finished eating, yeah? » Tu lèves les yeux au ciel, faussement irrité. « Please do. I fight better when I'm not starving. » Tu ignorais si c'était vrai, et tu t'en fichais. Marchant dans le jeu de Misa, avec autant de simplicité que vous en aviez à vous disputer. Quel que soit son état, ou votre humeur, votre relation coulait. « Hm. You're right though, it's not half bad. Where did you order this? » « Dunno. Some small place, a few streets away. » Elle répond à sa question elle-même, jetant un coup d'oeil au logo sur la boîte pour en prendre note. Tu n'avais pas d'habitudes particulièrement prononcées en ce qui concernait tes pizzas. D'autres plats ne pouvaient être commandés que dans des restaurants particuliers — mais pour la pizza, tu variais. Ne t'en inquiétait jamais. Peu étaient vraiment mauvaises, et tu te plaisais à déguster à droite et à gauche pour changer.

Plus tu manges, plus tu as faim. Tu sens ton estomac grogner, se retourner, et tu passes bientôt au travers des pointes au même rythme que Misa. La bière te fait du bien, l'alcool t'engourdit. Tu n'es pas prêt à ce qu'elle reparte. Maintenant qu'elle est là, tu veux la voir rester — sentir sa présence à tes côtés. Le silence s'éternise, te berce dans son semblant de paix. Quand Misa le rompt finalement, tu n'en es pas le moins du monde dérangé. « I'm gonna need to go to the Tower tomorrow. » Tu lèves les yeux vers elle. Ta bière est presque vide. Tu tournes la bouteille lentement entre tes doigts. « You want to come with me? Or should I go while you sleep in? » Tu entends la taquinerie dans sa voix, mais lèves à peine un sourcil pour y réagir. Tu ne veux pas mettre les pieds à la Tour Blanche. Ton dédain pour ses soeurs, et pour les autres Warders, parfaitement exprimé un peu plus tôt dans la soirée. Tu as besoin de repos, et tu ne veux pas y aller. Ta réponse est toute préparée. « I'll come with you. » Where you go, I go, right?
Plus, I could use some more training. L'enthousiasme ne déborde pas de ta voix, mais l'important n'est pas là. Tu l'accompagneras.

« Pizza was fine. Beer was gross. You need to stop buying that brand. » Tu soupires, siffles la dernière gorgée de ta bière pour toute réponse. « Is your evaluation over yet? » Grincheux pour les apparences — et pour dissimuler la question qui te brûle les lèvres, l'envie que tu n'oses formuler. Pour noyer le besoin de te rapprocher, la curiosité de la toucher. « I like that brand. » Tu regardes la bouteille de bière. It does taste gross. But I'm used to it. « You can always bring your own beer if you're not happy with mine. » Poor princess. La répartie aurait été trop facile, et tu la gardes pour toi. Ta bouteille reposée sur la table, tu continues de la faire pivoter entre tes doigts. Plus lentement, cette fois. À fixer l'étiquette en sentant les mots monter dans ta gorge. Perdu dans tes pensées, et dans le désir de retenir ce qui s'en venait. You don't need to do this.
You really don't.

But you want to.
You can't help it.

« Would you stay? » Tu n'oses pas croiser le regard de Misa. Coeur en lambeaux, prêt à encaisser le rejet et à tourner la proposition en taquinerie pour ne pas t'en trouver trop blessé. « Just for tonight. » ajoutes-tu dans un murmure. « ... Would you? » Stay with me? Here? I know I just have one bed, but I can take the couch.
I'm just tired, is all.
And I sleep better when you're here.

So would you stay, Misa?

"Please do. I fight better when I'm not starving." Tu laisses échapper un audible soupir, décidant de ne pas renchérir davantage. Pas que tu n'as pas envie de le faire - tu as toujours envie de le faire, avec Kell - mais tu étais fatiguée de ta journée, de tes blessures, et ton estomac à présent rempli terminait de te donner envie de dormir. Si tu continuais de lui donner la réplique, il le ferait aussi, et ce jeu n'aurait pas de fin. Tu le sais parce que vous saviez le pousser jusqu'à ses limites, jusqu'à créer de la réelle irritation ou parfois, miraculeusement, un fou rire. Tu aimais ça de ta relation avec Kell - malgré le fait que vous partagiez autant, que vos coeurs battaient à l'unisson, vous restiez imprévisible à votre manière. Pour toi, c'était plus que précieux. La conversation qui reste calme, les esprits qui ne s'échauffent pas - vous étiez trop crevés pour ça. À parler de pizza et de bière, sans vraiment vouloir vous attarder. Il y avait encore tellement de choses à dire, il y en avait tout le temps, mais ce soir tu ne voulais plus te battre. Tu voulais juste...
Quoi, au juste ?

Rentrer chez toi, passer cette porte puis aller dormir dans ton grand lit froid ? T'attarder ici sans aucune raison, peut-être écouter la télé, sans savoir où te mettre ? La vérité était là, dans le creux de ton coeur. Tu voulais rester avec Kell. Mais tu ne pouvais le faire sans t'expliquer, sans trouver une raison, et ça t'agaçait. Et si tu restais juste, est-ce qu'il te demanderait pourquoi ? Tu hésites. Pour le moment, tu vas rester là, te concentrant sur la nourriture et la bière, sur une conversation qui n'en était pas vraiment une. Tu laisses ton esprit s'égarer, le silence te bercer. Le calme dans le coeur de Kell fait écho au tien, et tu sais que tu y contribues autant qu'il t'aide aussi. Alors que tu bouges un peu sur ta chaise, un élancement de douleur te rappelle que tu n'es pas complètement sortie du bois, et que y'avait des réparations à faire. Tu demandes à Kell s'il veut t'accompagner, une fois le matin venu. "I'll come with you." La réponse te satisfait, tu dois bien l'avouer. Tu aimais quand Kell était à tes côtés, surtout à la Tour. Il t'ancrait, au milieu de tout ça, même si c'était un monde qui t'étais plus que familier, même si à quelque part, la Tour resterait toujours une maison pour toi. Elle faisait juste plus de sens quand Kell était là. Alors tu hoches la tête, tout simplement, essayant de retenir ton sourire. Au moins, vous étiez sur la même longueur d'ondes, à ne pas vouloir vous quitter trop longtemps. Parfois, c'était votre force - parfois, votre malédiction. Mais la vérité restait là. Tu ne saurais plus vraiment vivre sans lui. Il faisait partie de toi.

"Is your evaluation over yet? " Tu souris avec malice, d'humeur plus joueuse et taquine qu'autre chose, l'irritation dans la voix de Kell t'amuse. "I like that brand." Tu plisses des lèvres. "Not a surprise. You have questionable taste on a lot of things." Tu retiens les mots qui manquent de s'échapper de tes lèvres. Me, for instance. Mais tu ne sais pas si la blague convient à cet instant. "You can always bring your own beer if you're not happy with mine." Un soupir franchit tes lèvres cette fois, et tu hausses les épaules pour simplement balayer la possibilité. "Fine, I will." Tu lui réponds sur le même ton, même si tu sais que tu ne le feras jamais, parce qu'au fond, une partie de toi aime venir traîner chez Kell et boire sa bière merdique. C'était mieux que d'être seule. Tu termines ta bouteille, fermant brièvement les yeux alors que la fatigue te prends. Un bâillement, que tu dissimules derrière ta main, quand la voix de Kell vient bousculer le silence avec la plus grande douceur. "Would you stay?" Tu le regardes, surprise, à sa demande inattendue.

Pendant un instant, tu te demandes presque si tu as rêvé. Mais Kell ne veut pas rencontrer ton regard et ton coeur se tords un peu. "Just for tonight." Tu ne réponds pas tout de suite, mais ce n'est pas de l'hésitation. Tu essaie juste de calmer ton coeur qui s'accélère soudainement, et toutes les pensées qui s'emparent de ton corps. Car la réponse est simple, tout en étant horriblement compliquée. Tu ne peux l'empêcher. Yes. Yes, I do. I want to stay and I want to - Tu fermes les yeux. Pourquoi est-ce que tes pensées ne cessent de te mener jusque là ? Qu'est-ce qui cloche, chez toi ? Tu inspires doucement. "... Would you?" La voix de Kell est plus timide, et tu réalises que tu n'as rien répondu. Alors tu déglutis, essayant de rassembler ton courage. C'est plus facile que tu ne le penses. Kell aide toujours, pour ça. "Okay." Tu lui souffles, rencontrant son regard. Tu lui donnes un petit sourire, timide mais sincère. "I can stay. I'd..." Tu hésites, mais tu décides d'être honnête. Pas de raison de te cacher, à part ton orgueil. Et à cet instant, tu n'as pas envie de l'écouter. "I'd like to."

Tu hausses les épaules rapidement, après ça. "I'm really tired, actually." Tu regardes ailleurs, soudainement gênée, et si tu étais du genre à rougir, pas de doute que tes joues seraient cramoisies. Tu ne peux t'empêcher d'avoir envie de sourire, à savoir que tu resterais à ses côtés, et que ta nuit serait tranquille. Paisible. Ailleurs que dans ton grand lit froid, la chaleur de Kell à tes côtés, sa respiration pour te bercer. Tu ne dormais jamais mieux que quand il était juste là, près de toi. "I'll just go change, and I'll come back here, and... Maybe we can go to bed?" Tu lui proposes, un petit sourire paisible au coin des lèvres, sachant que cette nuit, le froid et la noirceur resteraient loin. Vous seriez ensemble.
You and me.
That's how it ought to be.

« Not a surprise. You have questionable taste on a lot of things. » Tu lèvres les yeux au ciel — mais tu t'y attendais. Tu tendais le bâton pour te faire battre, quand tu avais assez riposté pour la soirée. Tu ne comptais pas en rajouter. Tout ce qui sortait, désormais, étaient des taquineries que tu appréciais partager. La pointe familière de tes joutes verbales avec Misa était la bienvenue. Un baume au coeur, pour cette fin de nuit trop longue. Tu voulais juste décompresser. Laisser tes muscles récupérer des blessures, de la guérison accélérée, de la dispute cinglante. Tu sentais ton coeur palpiter de peur que tout redémarre, à chaque instant. Que vous retourniez dans les larmes et le sang, le besoin de vous blâmer pour chaque mauvais sentiment.
Rien ne vient, pourtant. Le calme s'est réellement installé, suivant une tempête plus grosse que toutes celles que vous aviez jusqu'ici essuyées. Tu étais étonné de t'en être sorti en vie. Presque indemne.

Plus attaché que jamais à cette âme que tu avais choisi de partager.

Peut-être est-ce la raison pour laquelle ton coeur l'emporte finalement. La raison pour laquelle tu lui demandes de rester. Chaque souffle t'insuffle la peur de l'entendre refuser, mais tu parviens à canaliser suffisamment les battements erratiques de ton coeur pour laisser la situation se dérouler. Tu comprendrais son refus, et ne t'y opposerais pas. La requête était après tout inattendue, surtout en sachant ce que vous veniez de traverser. Tu n'avais pas envie de la brusquer. Tu ne voulais que retrouver un peu de paix — si possible, à ses côtés.
Chaque seconde de silence est de trop, et tu la vois déjà décliner. T'y prépares, qu'importe les envies de tes lèvres, de ton coeur, de ton corps entier. Sa réponse est plus douce que ce que tu n'imaginais. « Okay. » Okay? Ton regard est doux, un peu égaré. Surpris de l'entendre accepter. Okay. « I can stay. I'd... I'd like to. » Tu ne sais pourquoi ton coeur déraille comme ça. Était-ce de savoir que vous étiez sur la même longueur d'ondes, pour une fois ? Était-ce l'idée de votre proximité ? De l'avoir là, à côté de toi, pour le reste de la nuit ?
Bien sûr, tu ne comptais en rien lui imposer ta présence ou ton intimité. Le canapé serait une option parfaitement viable si elle voulait éviter de partager un lit avec toi. La savoir dans l'appartement suffirait. « Okay. » réponds-tu dans un souffle. Tu voudrais en exprimer davantage — mais tout y est. Dans ton léger sourire, dans la lueur de tes yeux. You're happy she decided to stay.
More than you'll ever say.

« I'm really tired, actually. » Tu comprends. Acquiesces rapidement. « Of course. » Tu n'opteras pas pour une seconde bière. Tu ne reprendras pas de pizza. Ton corps supplie pour un peu de repos, et Misa avait raison : le moment était venu de le lui donner. Tu vas pour lui proposer de camper sur le canapé, quand elle te devance. « I'll just go change, and I'll come back here, and... Maybe we can go to bed? » Ton coeur dérape, et tu n'es pas sûr de ce que tu viens de comprendre. Is she saying she's ok to share your bed? La confusion te prend un instant, alors que tu bats des cils et qu'une moue t'échappe. Vite. Rebondir. La seule chose à laquelle tu peux penser est ton désir de la garder à tes côtés. Élan niché au fond de tes tripes, que tu es incapable de contrôler. « Sure. Or... » Tu pointes ta chambre, par-dessus ton épaule. « I think I can find a t-shirt that'll fit you. » Incapable d'avouer que tu ne veux pas la voir sortir de ton appartement, même pour une minute ou deux. Apeuré à l'idée qu'elle décide de ne pas revenir. « ... If you want. » Tu te sens soudainement avoir chaud. Sachant, malgré la naïveté dans laquelle tu aimerais verser, que l'alcool n'en est en rien responsable. L'idée de Misa dans un de tes t-shirts est dangereuse, mais tu t'y ferais. Vous partagiez une âme. Can't be worse.
Can it?

Tu te frottes la nuque, évites son regard. Un soupir bref. Tout ce que tu veux, c'est te tirer de cette situation. Ne pas penser à quel point tu as envie de l'aider à se changer. À quel point tu veux la voir. Baisers le long de ses clavicules, de sa gorge. Jusque sous son oreille. Jusque sur ses lèvres. Tu sens tes oreilles prendre la chaleur de ton corps entier, et te racles la gorge en te forçant à te remettre sur pied. Attrapant la boîte de pizza vide, les bouteilles de bière terminées. « Don't worry, by the way, I... I can take the couch. I don't mind. » Tu ne voulais pas accepter ce que Misa venait de proposer. L'idée de votre réelle proximité, pour dormir mieux que tu ne l'avais jamais fait.
D'un sommeil que rien ne pourrait jamais perturber.

You can't do that.
You can't.

If you do, you'll never fall out of love with her—and you should.

For both of your sakes, you really should.

"Okay." Il répète le mot dans un souffle, et ça te remue l'estomac plus que tu ne voudrais l'avouer. Tu réalises peu à peu ce que ça veut dire, que tu resteras à ses côtés. La journée a été tellement longue, mais tout le reste te semble terriblement lointain — à présent, tu n'es que dans le présent, avec Kell, et cette perspective de passer la nuit ensemble. Ça te rassure étrangement, de savoir que tu ne te glisseras pas dans ton lit froid, que tu ne te réveilleras pas dans la solitude. Tu ne sais pas pourquoi ça te mets soudain à te déranger. Ça a été comme ça toute ta vie, et tu as toujours été à l'aise que ce soit le cas, même que tu es censé le préférer. Mais te lier à Kell a tout changé — ça a provoqué des changements fondamentaux en toi, et tu as encore du mal à les comprendre et les accepter. Tu lui souffles que tu vas aller te changer, et que tu pourras ensuite le retrouver, te disant que ça sera bien de prendre quelques instants à toi, histoire de remettre tes pensées en ordre et ne pas trop te perdre. "Sure. Or..." Tu l'observes alors qu'il pointe sa chambre, arquant un sourcil. "I think I can find a t-shirt that'll fit you." Ça serait une solution simple, et tu n'as pas envie d'hésiter. La vérité c'est que tu n'as pas envie de te retrouver seule, pas ce soir, pas à nouveau. Ça te serre cependant l'estomac, l'idée de te glisser dans les vêtements à Kell, d'y dormir, de pouvoir te réfugier dans son odeur. In all the good ways. "... If you want." Tu ne veux plus te battre. Tu ne veux plus prétendre. Tu es fatiguée, et tu as mal partout. "Okay." À nouveau, tu ne fais que souffler ce mot, acceptant sa proposition.

Kell ne te regarde plus. Se mets à nettoyer, alors que tu restes bêtement là, assise sur cette chaise inconfortable, plutôt rassurée de savoir que tu n'auras que quelques pas à faire pour t'écrouler dans un lit. Celui de Kell. Mais ça, tu n'y penses pas maintenant. "Don't worry, by the way, I... I can take the couch. I don't mind." Tu entends l'hésitation dans sa voix. Un peu de crainte, aussi, peut-être. Tu fronces des sourcils. Is that what you want? Tu avais pourtant été claire. Tu voulais dormir à ses côtés. Et ça te donne l'assurance nécessaire pour demander ce que tu veux. Deep down, I know you'd like it too.
It makes sense, doesn't it?
Let's not fight it tonight.

"If that's what you want." Tu lui souffles tout de même, car tu n'as pas non plus envie de le forcer à quoi que ce soit. Tu te redresses doucement, prenant garde à ne pas trop te faire mal, ton corps douloureux et raide de la douleur et des blessures. "But that couch looks like a nightmare." Tu lui dis avec une légère teinte de découragement. "Why don't you sleep in your own bed?" Please, Kell, tu lui souffles silencieusement. I need you by my side. Si seulement tu étais capable de lui dire clairement. Tu t'approches de lui, doucement, posant une main sur son poignet, histoire de l'arrêter dans son ménage. "Leave it. Come with me." Tu trouves son regard, et quelque chose se tord à l'intérieur de toi. Une envie de te blottir dans ses bras, de prendre ses lèvres pour les embrasser, de passer tes doigts dans ses cheveux, et de trouver une harmonie nouvelle ensemble. Tu aimerais qu'il te touche. Tu aimerais qu'il te fasse tout oublier. Mais tu restes dans la réalité. Let's just sleep for now.

Tu le lâches, et tu te diriges vers sa chambre. Tu ne sais même pas si ton appartement est verrouillé, si les lumières sont éteintes, mais tu t'en fous. Tu verras ça demain. Pour le moment, tu pénètres la petite pièce. Tu y vas une petite chose à la fois. Tes chaussures. Tes chaussettes. Tes pantalons. Ton pull. Ton t-shirt. Et tu restes là, en sous-vêtements, dans la noirceur, attendant le t-shirt qu'on t'a promis, prête à te glisser sous les couvertures, et à enfin dormir en paix.